Nusa Dua (Bali, Indonésie) - Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, juge "possible et jouable" que les Européens se mettent d'accord d'ici fin décembre sur la taxation des géants du numérique.

Ce texte défendu par Paris, mais qui rencontre toujours de vives résistances, pourrait rapporter jusqu'à 8 milliards d'euros et serait "un fantastique succès" de l'Union dans la perspective des élections européennes de l'an prochain, a estimé M. Moscovici dans un entretien à l'AFP, en marge d'une réunion du Fonds monétaire international (FMI) dans l'île indonésienne de Bali.

Q: Au sein de l'UE, République tchèque, Irlande ou encore Finlande sont vent debout contre ce projet de taxation du numérique, comment les convaincre?

R: "Il est fondamental que les grands groupes de la nouvelle économie payent leur juste part, là où ils créent de la valeur et des profits. Aujourd'hui, ils ne paient pas d'impôts, ou très peu, et cela est ressenti comme une injustice absolue par les autres entreprises comme par les citoyens. La Commission a donc proposé une taxe de 3% sur le chiffre d'affaires. C'est en cours de discussion: je veux être réaliste, car je sais qu'il y a des oppositions, mais optimiste car je constate que le soutien a cette proposition ne cesse d'augmenter, j'observe que l'Allemagne a pris une position de principe clairement favorable, et donc il est possible que nous ayons cet accord d'ici décembre. On va pousser, on va y consacrer beaucoup d'énergie, c'est jouable."

Q: Si cette taxe est appliquée, quels sont les revenus espérés? Ne sont-ils pas symboliques face au chiffre d'affaires des géants de l'internet?

R: "Cette taxe ne concerne pas que les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR), je ne parle d'ailleurs jamais de taxe Gafa, mais de taxe sur le numérique: 180 entreprises seront en réalité concernées et pas seulement ces quatre-là, lesquelles sont évidemment dans le champ de la taxe. Nous voulions une taxe qui ne soit pas confiscatoire, car nous ne voulons pas décourager l'économie du numérique, mais qui ne soit pas non plus dérisoire. Le montant des revenus que nous escomptons est de l'ordre de 5 milliards d'euros (…) et pouvant monter jusqu'à 8 milliards. Or, la perte de revenus qu'entraîne le Brexit pour le budget européen serait de quelque 10 milliards d'euros…  Ce n'est donc pas négligeable."

Q: Quel intérêt pour l'Europe de faire cavalier seul sur ce problème éminemment mondial?

R: "Ce serait déjà un fantastique succès (d'arriver à un accord d'ici Noël), on a en 2019 les élections européennes, et beaucoup se demandent à quoi sert l'Europe. Alors, si on arrive à montrer que là, on a une voie européenne, qui en plus serait pionnière dans le monde... Ensuite, ce sera à nouveau à l'ordre du jour du sommet du G20 (groupe des vingt premières puissances du globe, NDLR) en novembre en Argentine dans quelques semaines. J'attends du G20, qu'on soit capable de porter ce problème à l'échelle mondiale: on n'en est pas encore là; les Américains sont conscients du problème mais peuvent avoir d'autres solutions. C'est pourquoi je voudrais que les Européens prennent l'initiative, avec leur propre taxe. Ce serait un très beau succès de l'UE."

(Propos recueillis par Julien Girault)

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