Bruxelles - Très attendue par les éditeurs de presse et les créateurs mais fustigée par les géants du net, la réforme controversée du droit d'auteur a franchi le 12 septembre une étape importante au Parlement européen. Quels peuvent être les effets sur les internautes de ce texte qui n'est pas encore définitif ?

- Procédure

Il est difficile à ce stade de prédire toute conséquence précise puisque le texte définitif de la réforme est encore en discussion.

Le document adopté par le Parlement européen doit maintenant faire l'objet d'une négociation avec le Conseil de l'UE (représentant les 28 Etats membres), qui a lui-même peiné à trouver un compromis sur sa version du texte le 25 mai dernier, et la Commission européenne, à l'origine du projet de directive.

L'objectif affiché est de boucler ces négociations dites de "trilogue" pour déboucher sur un texte définitif d'ici la fin de l'année, qui serait définitivement adopté par le Parlement avant les élections européennes en mai 2019.

Comme il s'agit d'une directive européenne et non d'un réglement, chaque Etat doit ensuite transposer dans son droit national le texte final, ce qui pourrait faire varier les contours des règles et retarder un peu plus l'application du texte qui ne devrait intervenir qu'en 2021.

- Droit voisin

L'Article 11 de la directive crée un "droit voisin" du droit d'auteur pour la presse, afin que les plateformes rémunèrent mieux les médias pour les articles qu'elles utilisent.

Le simple partage entre internautes d'hyperliens vers des articles, ainsi que de "mots isolés" pour les décrire, sera libre de toute contrainte de droit d’auteur. Le Parlement européen comme le Conseil sont d'accord sur ce point.

En revanche, le sort des "snippets" -- ces courts extraits d'articles qui apparaissent sur les moteurs de recherche, agrégateurs d'informations ou réseaux sociaux -- n'est pas encore tranché.

"Ce sera l'un des principaux enjeux de la négociation entre les deux colégislateurs", ont indiqué à l'AFP deux sources, l'une au Conseil, l'autre au Parlement.

"Tout le débat au trilogue tournera autour de "Qu'est-ce qu'un snippet" ? Est-ce que Twitter est un snippet ?", explique Raegen MacDonald, représentante à Bruxelles de la compagnie Mozilla, à l'origine du navigateur Firefox.

Dans son texte, le Conseil a adopté une position relativement floue, laissant une grande marge de manoeuvre aux Etats membres.

Il est en effet proposé à chaque pays d'adopter le critère qu'il veut pour faire payer les agrégateurs, à savoir: soit la taille de l'article, soit son originalité (dans ce cas précis, un texte simplement factuel, par exemple "3.000 morts dans un tremblement de terre" ne tomberait pas sous le coup du droit voisin) ou, troisième possibilité, un mélange des deux.

Les détracteurs du droit voisin pointent que les deux pays qui ont déjà tenté d'en imposer un, l'Espagne et l'Allemagne, ont échoué.

Dans le premier, Google News a cessé de proposer des articles de la presse espagnole, tandis que dans le second, le puissant éditeur Axel Springer a vu le trafic baisser sur ses sites.

Les partisans de la réforme estiment que si la directive s'applique à l'ensemble du marché européen et ses 500 millions de consommateurs, il sera beaucoup plus facile de négocier avec les plateformes.

- Contenus filtrés

L'Article 13 de la directive, l'un des autres aspects les plus contestés de la réforme, exigerait que les sites de partage de contenu (réseau social, service de vidéo en ligne) déploient une technologie qui filtre automatiquement les contenus protégés par le droit d'auteur.

Les détracteurs estiment que cette disposition paralysera radicalement l'utilisation d'internet, avec toutes sortes de partages personnels de vidéos et de musique bloquées par Instagram et Snapchat.

"Aussi intelligents que puissent être ou devenir les outils de reconnaissance de contenu, il y aura des situations où le contenu téléchargé légalement sera filtré", a affirmé à l'AFP Johannes Kleis, porte-parole de l'Office européen de protection des consommateurs (BEUC).

Mais les partisans de l'Article 13 -- au Conseil comme au Parlement -- affirment que les internautes qui utiliseraient du contenu protégé par le droit d'auteur pour leur usage personnel auraient la possibilité de déposer un recours.

Dans son texte, le Conseil a ainsi prévu un "mécanisme de règlement des différends", dont le fonctionnement n'a pour l'instant pas encore été clairement défini, selon une source au Conseil.

De son côté, le Parlement européen a prévu dans son texte qu'il était laissé à la discrétion des Etats membres la création d'un organisme chargé de traiter les plaintes.

Par Céline Le Prioux

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