Londres - Avec la pandémie de Covid-19, les banques centrales du monde entier ont amplifié leur réponse, déjà ultra-accommodante, et les spéculations sur les nouveaux outils de politique monétaire vont bon train. Examen des derniers instruments en vogue:

Le QE ou "quantitative easing"

L'assouplissement quantitatif (QE en anglais) avait déjà cours bien avant la crise dans de nombreux pays mais avec la pandémie les principales banques centrales ont ouvert grand les vannes en ajoutant des centaines de milliards d'euros, dollars, yens ou livres à leurs programmes de rachats d'actifs, pour acquérir massivement des titres de dette, principalement d'Etats.Elles visent ainsi une diminution du coût d'emprunt pour les pays en maintenant une demande élevée pour leurs obligations, et une injection de liquidités dans l'économie par l'intermédiaire des banques, principales détentrices de ces titres obligataires.

Hélicoptère monétaire

En raison des montants considérables injectés par l'intermédiation des banques, le "QE" est régulièrement accusé de participer à la création d'une bulle financière et immobilière, au lieu de financer l'économie réelle.

D'où le regain d'intérêt pour l'idée popularisée en 1969 par l'économiste néolibéral Milton Friedman d'un "hélicoptère monétaire", c'est-à-dire d'une banque centrale qui distribue de la monnaie directement aux citoyens, sans contrepartie. L'Etat peut aussi servir d'intermédiaire, à condition qu'il se refinance auprès de sa banque centrale, afin que son endettement ne soit pas aggravé par la mesure.

Les chèques allant jusqu'à 3.000 dollars par famille envoyés par le gouvernement américain dans le cadre de son plan de relance s'en approchent, mais la Fed étant absente de ce plan, il n'y aura donc pas de création monétaire et ce n'est donc pas à proprement parler de l'"hélicoptère monétaire".

Pour ses opposants, ce concept pose un problème démocratique en chargeant une institution non élue de décider qui doit recevoir combien. Et contrairement au QE, elle n'a ensuite aucun moyen de restreindre l'offre de monnaie ajoutée, en revendant les actifs acquis.

Dette perpétuelle

Proposition faite par l'Espagne à ses partenaires européens et finalement écartée, la dette perpétuelle a aussi été avancée, également sans succès, par le groupe parlementaire français de La France insoumise (LFI, gauche).

Avec une dette perpétuelle, seuls les intérêts sont payés. Pour LFI, soutenu par certains économistes de tendance libérale, avec les taux d'intérêt extrêmement bas, voire négatifs, auxquels s'endettent des pays comme la France, ce système serait indolore et reviendrait même à annuler la dette sans spolier personne. A condition de passer directement par l'intermédiaire de la Banque centrale européenne, car rares sont les acheteurs pour ce type de produit.

Si cela n'est pas à proprement parler une dette perpétuelle, l'Autriche vient d'émettre une nouvelle obligation à 100 ans, pour un taux spectaculairement bas de 0,88%.

Taux d'intérêt négatifs

En vigueur depuis 2014 dans la zone euro et depuis 2016 au Japon, des taux d'intérêt directeurs négatifs ont récemment fait une incursion dans le débat britannique, même si le gouverneur de la Banque d'Angleterre n'est pas convaincu.

Ces taux d'intérêt en dessous de zéro s'appliquent aux avoirs des banques commerciales entreposés auprès de la Banque centrale, ou à une partie de ceux-ci.

En taxant les dépôts, les banques centrales veulent encourager les prêts, et donc l'investissement et la consommation, au risque de peser sur la rentabilité des banques commerciales et de les fragiliser.

Contrôle de la courbe des taux

Le président de la Fed, Jerome Powell, a récemment affirmé que l'institut allait continuer à discuter d'un "contrôle de la courbe des taux d'intérêt". En plus du contrôle de l'inflation aux alentours de 2% et de la préservation de la croissance et de l'emploi, la Fed se doterait ainsi d'un nouvel objectif: maintenir le coût d'emprunt de l'Etat au plus bas et éviter que les taux d'intérêt à plus long terme ne s'envolent.

La Banque du Japon (BoJ) a fait ce choix, en visant un objectif de taux d'intérêt de 0% pour les obligations à 10 ans.

Cependant, avertissent certains économistes, adopter un objectif de taux d'intérêt revient à renoncer au contrôle de l'offre de monnaie et donc de l'inflation, même si les risques d'une flambée des prix apparaissent pour l'instant faibles.

Rachat d'actions

La Fed et la BCE se sont pour l'instant refusées à franchir le pas, contrairement à la BoJ et à la Banque nationale suisse.

Acheter des actions contribuerait à faire grimper les cours, ce qui réduirait le coût de financement des entreprises et enrichirait les ménages détenteurs d'actifs. Le risque? Contribuer à une bulle financière.

par Kevin Trublet

 

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