Paris - La pénurie d'eau dans la ville du Cap en Afrique du Sud, où les autorités ont proclamé le 13 février l'état de catastrophe naturelle dans tout le pays, illustre la complexité de la fourniture en eau, ressource toujours plus demandée, et pourtant abondante.

De larges ressources inégalement réparties

"La crise mondiale de l'eau est une crise de gouvernance, bien plus que de disponibilité de la ressource", notait l'ONU en 2015.

La planète, dont 97% de l'eau est salée, est traversée par un flux d'eau douce renouvelable de 42.810 milliards de mètres cubes par an, soit 16.216 litres par personne et par jour, près de quatre fois la consommation des habitants des Etats-Unis, selon des données de la FAO (2016).

En prélevant près de 4.000 milliards de mètres cube d'eau douce en 2014, l'être humain consommait moins d'un dixième des ressources renouvelables à disposition.

Plus d'un quart des ressources renouvelables (qui ne comprennent pas les glaces de l'Antarctique, environ 60% des réserves de la planète) se trouvent en Amérique latine, contre soixante fois moins au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, régions aux ressources par habitant critiques

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Niveau des réserves d'eau des principaux barrages de la mégapole sud-africaine du Cap

Pénurie et épuisement des sous-sols

D'après les données de la FAO (2014), 45 pays comme l'Afrique du Sud, Chypre ou le Maroc sont en situation de pénurie (moins de 1.000 mètres cube par habitant par an), dont 29 comme l'Algérie, Israël ou le Qatar en situation de pénurie extrême (moins de 500 mètres cubes).

Les réserves souterraines, dont dépend un tiers des habitants de la planète, sont menacées d'épuisement, s'alarme l'ONU. 20% d'entre elles sont surexploitées.

Des experts s'inquiètent d'une possible disparition, d'ici quelques dizaines d'années, des réserves aquifères dans une partie du bassin du Gange en Inde, dans le sud de l'Espagne et de l'Italie, ou encore dans la vallée centrale de la Californie.

Les villes en difficulté

En plus du Cap, des pénuries consécutives à des sécheresses ont par exemple frappé en 2016 Freetown en Sierra Leone, La Paz en Bolivie ou Ouagadougou au Burkina Faso.

Alors que les retraits annuels d'eau douce ont déjà plus que doublé dans le monde entre 1964 et 2014 (dû à la croissance de la population, l'urbanisation et l'industrialisation), la demande dans les villes va encore augmenter de 50% d'ici 2030 selon l'ONU.

En outre, la pollution, le changement climatique et une mauvaise gestion des ressources sont autant d'autres facteurs pesant sur la distribution en eau, note la Banque mondiale.

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Carte des seuils de pénurie dans le monde selon les Nations-Unies, basée sur les ressources annuelles renouvables d'eau douce en mètres cube par habitant 

Réchauffement climatique

Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) soulignait en 2014 que pour chaque degré celsius de réchauffement climatique, environ 7% de la population mondiale perdrait au moins 20% de ses ressources en eau renouvelable.

Le Giec prévoit des sécheresses plus importantes et plus fréquentes dans les zones déjà arides, réduisant les ressources en eau.

Gourmande agriculture

Dans le monde, c'est l'agriculture qui consomme le plus d'eau douce (70% de l'eau prélevée, en majeure partie par l'irrigation), loin devant l'industrie (19%) et l'usage domestique (11%), selon des données de la FAO.

De fortes disparités existent entre les régions: en Asie du Sud l'agriculture (91%) écrase l'usage domestique (7%) et l'industrie (2%), comme au Moyen-Orient et en Afrique du nord (85% pour l'agriculture, 10% pour l'usage domestique, 5% pour l'industrie).

Dans l'Union européenne l'industrie consomme plus de la moitié de l'eau douce (51%) devant l'agriculture (30%) et l'usage domestique (18%), des données proches de l'Amérique du nord (53% industrie, 34% agriculture, 13% usage domestique).

Quelles solutions ?

Plusieurs pistes sont exploitées dont la désalinisation de l'eau de mer, une gestion plus prudente des ressources souterraines et surtout la réutilisation des eaux usées, dont 80% sont rejetées aujourd'hui sans traitement (ONU).

Le traitement des eaux usées peut alimenter l'irrigation, voire la consommation humaine comme c'est le cas à Windhoek en Namibie, où 35% de l'eau rejetée est traitée pour redevenir potable.

Sources : AFP, ONU-Eau, FAO (Aquastat), Banque mondiale, Conférence de l'American Geophysical Union (2016), Giec. La Banque mondiale note que les données internationales sur l'eau doivent être traitées avec précaution, les méthodes de collecte des données pouvant varier d'un pays à l'autre et les niveaux ne rendant pas toujours compte des variations saisonnières.

Par Robin Gremmel

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