Milan - La décision du gouvernement populiste italien de porter le déficit public à 2,4% du PIB durant les trois prochaines années a déjà provoqué une vive irritation de Bruxelles et une flambée des marchés financiers.

Retour en trois questions sur la logique d'un tel budget et sur le scepticisme ou l'inquiétude qu'il génère:

Un budget à 2,4% du PIB: pourquoi faire ?

La décision de porter le déficit à 2,4%, soit bien au-dessus de ce que souhaitait la Commission européenne, est d'abord justifiée par la nécessité de respecter les promesses électorales, gravées dans le marbre du pacte de gouvernement signé par le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) de Luigi Di Maio et la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini.

Ce "budget du peuple", comme l'a baptisé M. Di Maio, prévoit donc sans surprise, un "revenu de citoyenneté" en faveur des plus démunis, une baisse des impôts via le lancement d’une "flat tax" à 15% pour l’instant limitée à certaines catégories, et la possibilité pour certains de partir plus tôt en retraite.

Il correspond aussi à la volonté de remettre en cause l'austérité budgétaire, que le gouvernement populiste juge contre-productive en Europe.

"La machine de destruction du +fiscal compact+, le pacte de stabilité budgétaire en vigueur dans la zone euro, a été abolie" par l’Italie qui se montre en cela "précurseur mais modéré", s'est félicité vendredi Gustavo Piga, professeur d’économie politique à l’université Tor Vergata de Rome, sur la radio Rai 3.

Enfin, et surtout, le gouvernement fait un pari sur la croissance. Outre la redistribution prévue par le revenu de citoyenneté ou la réforme fiscale, il contient également un important volet d'investissements, le "plus important jamais réalisé en Italie", selon le chef du gouvernement Giuseppe Conte.

Une augmentation de la croissance permettra de réduire le déficit, veulent croire les responsables de la majorité gouvernementale.

"Je peux vous assurer que la dette baissera", grâce à "la croissance économique inattendue", qui suivra l’application de ces mesures, a ainsi assuré M. Di Maio.

Qu'en pensent les économistes ?

Pour le cabinet Prometeia, "porter le déficit à 2,4% du PIB sur les trois prochaines années risque d'avoir un effet nul sur la croissance".

"La structure du budget semble orientée vers des mesures de transfert, et non vers des mesures pouvant soutenir la croissance potentielle", juge-t-il.

Même analyse pour Nicola Nobile, d'Oxford Economics: "Les mesures dont on parle sont des mesures de transfert, de redistribution qui ne résolvent pas les problèmes structurels du pays", comme le manque de productivité, ce qui peut se faire en améliorant le fonctionnement de l'administration, de la justice ou en incitant les entreprises à se moderniser, a-t-il déclaré à l'AFP.

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Evolutions de la dette publique italienne et du déficit italien de 2007 à 2017 en % du PIB 

Pour Serena Sileoni, vice-présidente du think tank libéral Bruno Leoni, qui s'exprimait sur Radio 3, "on donne un signal négatif, avec ces dépenses improductives (retraite, revenus de citoyenneté) et qui ne visent pas augmenter la capacité productive du pays, sa capacité d’innovation".

"L’effet multiplicateur sur la consommation n'est pas certain, tout au plus de 0,7%", a noté de surcroît M. Nobile, en soulignant que les "effets négatifs sont plus importants que les aspects positifs et introduisent une plus grande incertitude".

Quels sont les risques ?

Selon Prometeia, l'éventuel impact positif d'un tel budget "pourrait être compensé par une plus grande incertitude et un +spread+ plus élevé", l'écart très surveillé entre les taux d'emprunt italien et allemand.

Jack Allen, analyste à Capital Economics, table sur une hausse des taux à dix ans qui pourrait atteindre 3,5% d'ici la fin de l'année contre 2,888% jeudi.

Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l'Etat, ce qui réduit ses marges de manœuvre financières.

L’autre risque est celui d’aggraver les tensions entre le nouveau gouvernement populiste et les institutions européennes. La Commission européenne rendra son avis après avoir reçu ce projet de budget d’ici au 15 octobre.

Elle peut le refuser en bloc, mais cela ne s’est jamais produit, a rappelé vendredi le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici. Elle peut aussi demander des aménagements et en cas de refus ouvrir une procédure d'infraction et imposer des sanctions. Mais, a relevé vendredi Claudio Borghi (Ligue), président de la commission budget à la Chambre des députés, la France est restée neuf ans en procédure d’infraction et elle n'a jamais été sanctionnée.

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