Paris - Après les mesures annoncées par Emmanuel Macron pour apaiser la crise des gilets jaunes, la France compte sur la bienveillance de l'Union européenne (UE) pour un dérapage budgétaire "exceptionnel" en 2019, à un moment où l'Italie est pointée du doigt pour beaucoup moins.

Sur la forme, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, refuse un traitement de faveur: "Il n'y a pas deux poids deux mesures, les règles sont les mêmes pour tous", a-t-il déclaré à l'AFP en marge d'une conférence à Francfort.

Sur le fond, il se montre plus conciliant: Bruxelles "comprend que face à des mouvements sociaux et à des revendications très fortes de réduction de fracture territoriale ou sociale, un gouvernement puisse être amené à prendre des mesures", a-t-il expliqué.

Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a chiffré le 11 décembre au Sénat à 10 milliards d'euros le coût des mesures de M. Macron et reconnu que le déficit budgétaire atteindrait 3,4% l'an prochain, si des mesures d'économie ne sont pas prises.

A peine une année après être sortie de la procédure européenne pour déficit excessif, la France repasserait ainsi au-dessus de la barre des 3% du PIB, frôlant même la limite de 3,5% qui forcerait la réouverture automatique d'une nouvelle procédure.

Le ton de M. Moscovici contraste fortement avec celui qu'il avait employé avec le gouvernement italien, dont le budget prévoyant un déficit de 2,4% pour l'an prochain a été rejeté par la Commission européenne.

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Dette publique de la France, en pourcentage du PIB, depuis 2007 

Le commissaire avait notamment traité l'Italie de "problème" de la zone euro, alimentant les échanges tendus entre la Commission et le gouvernement de la coalition populiste formée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème).

Le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini n'a d'ailleurs pas tardé à s'immiscer dans le débat entre Paris et Bruxelles.

"Je refuse d'imaginer qu'on fasse semblant de rien devant les demandes milliardaires qui arrivent d'un Macron en difficulté évidente et qu'on s'en prenne aux poches des Italiens. Ce serait vraiment la fin de cette Union européenne", a-t-il prévenu le 12 décembre.

"Je commence à en avoir marre de ce deux poids deux mesures. On ne comprend pas pourquoi quelqu'un peut enfoncer, ignorer, dépasser, enfreindre... Et en Italie en revanche il y a une loupe sur les 0,00000%", a-t-il ajouté plus tard lors d'un point presse à la fin de son voyage en Israël.

Des tactiques différentes

Pour Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur crédit Euler Hermes, Rome et Paris ont adopté des "tactiques différentes".

"L'Italie est sortie du bois cet automne avec un budget de dépenses qui rompait avec des années d'ajustements et s'est heurtée à la machine bruxelloise, à mon avis à tort", a-t-il expliqué à l'AFP.

"M. Macron, en revanche, est arrivé en fin d'année en annonçant un plan d'urgence économique et en affirmant qu'à situation exceptionnelle (la crise des gilets jaunes), il faut répondre avec des mesures exceptionnelles", a souligné M. Subran.

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Prévisions 2018 des déficits et excédents publics dans les 19 pays de la zone euro, publiées par la Commission européenne en novembre 

Les sources consultées par l'AFP rappellent que la France n'a pas le même endettement que l'Italie: un peu moins de 100% contre plus de 130%.

Autre différence: le président français avait été élu l'an dernier sur un programme pro-européen et comme rempart face au populisme, terme retenu pour le gouvernement italien.

"Dépasser les 3%, ce ne serait pas la fin du monde. En revanche, la France pourrait être épinglée pour son effort structurel, déjà qu'il était un peu juste", a indiqué une source européenne.

La réduction du déficit structurel - c'est-à-dire calculé sans les effets de la croissance - fait partie des exigences de Bruxelles, car il contribue à la réduction de la dette publique.

Pour rassurer la Commission, Paris pourrait annoncer des mesures d'économie. "Il en va de la crédibilité de la France en Europe", a expliqué une source française.

M. Macron veut rassurer ses partenaires européens en affirmant que ses mesures sociales ne remettent pas "en cause le cap des réformes".

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