Paris - Bars fermés, festivals et événements sportifs annulés: les brasseurs en Europe s'inquiètent pour leur activité, en plein boom ces dernières années, mais désormais frappée par un "catastrophique" coup de frein dû à l'épidémie de Covid-19, menaçant même l'Oktoberfest 2020.

Le calme règne dans la brasserie La Baleine de Bruno Torres dans le nord-est de Paris, d'où sortent quelque 560 hectolitres par an: les cuves de fermentation en inox sont vides et la petite ligne d'embouteillage est à l'arrêt.

Il vend habituellement environ la moitié de sa production aux bars, cafés, restaurants, dont le rideau de fer s'est abaissé il y a plus de trois semaines, au moment du début du confinement en France ordonné par les autorités.

"Certaines épiceries aussi ne veulent plus ouvrir, pour des raisons sanitaires", ajoute M. Torres, qui s'est lancé dans l'aventure de la bière artisanale au printemps 2013.

"La fermeture le 15 mars à minuit de ce qu'on appelle le hors domicile (cafés, hôtels, restaurants), plus l'annulation de tous les événements rassemblant plus de 100 personnes, donc les festivals, les fêtes locales, les salons, ça fait disparaître mathématiquement 35% des volumes de ventes", déclare à l'AFP Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France.

Une évaporation de débouchés qui n'a, semble-t-il, pas été compensée par un report de la consommation en grandes surfaces.

"La bière ne fait pas partie des catégories qui ont bénéficié de cet effet de stockage que les Français ont adopté lors des premières semaines", estime Jacques Lebel, directeur général pour la France d'AB InBev, premier brasseur mondial, lors d'un entretien à l'AFP.

Les ventes de bière ont tout de même progressé de près de 7% depuis le début du confinement par rapport à la même période en 2019, selon une étude du cabinet Nielsen parue cette semaine.

- "Quand il fait beau" -

Mais la situation est d'autant plus critique qu'elle se produit au "pire moment de l'année", souligne M. Costilhes, "la période où on est au plus bas en trésorerie, le mois de mars": "les brasseurs passent tout l'hiver à produire pour l'été. La bière est censée être vendue quand il fait beau et donc on fait les stocks, on achète des matières premières, et on produit".

"Si ça reprend fin avril, c'est pas mal, si ça ne reprend pas, ça va être dur", estime pour sa part Bruno Torres.

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Bruno Torres dans sa brasserie La Baleine en juin 2014 à Paris

En Allemagne, où la bière fait partie depuis des siècles de la culture et de la gastronomie du pays, le pessimisme est aussi de mise.

"Les ventes dans la gastronomie sont vitales pour la plupart des brasseries. Certaines y réalisent 90% de leur chiffre d'affaires. Et ça disparait complètement, maintenant", a commenté auprès de l'AFP Holger Eichele, président de la Fédération des brasseries allemandes.

L'annulation de grands évènements "met beaucoup de brasseries et d'organisateurs au bord de la faillite", souligne-t-il.

Le porte-parole de la Fédération, Marc-Oliver Huhnholz, ajoute que depuis fin mars, les ventes de bières sont en baisse avec -9,4% sur un an la semaine du 23 mars. "C'est lié à la retenue d'achat grandissante chez les consommateurs et au fait que beaucoup d'occasions de fêter avec des amis ou la famille disparaissent", explique le porte parole.

"La crise du coronavirus aura un impact significatif sur l'emploi dans le secteur", selon la fédération allemande des brasseries, qui a publié le 1er avril un sondage parmi ses membres. 18% s'attendent à des licenciements, 87% à du chômage partiel.

- Incertitudes sur l'Oktoberfest -

Début avril, les brasseries allemandes ont fait état d'une forte baisse des exportations (-58%), notamment vers la Chine et l'Italie, les deux premiers marchés étrangers de la bière allemande.

Le ministre-président de la Bavière, Markus Söder, a fait savoir que si la célèbre fête de la bière à Münich (Oktoberfest) "a lieu cette année, ce sera sous des conditions très différentes", laissant planer la crainte d'une annulation de cette fête qui devait s'ouvrir le 19 septembre.

Les organisateurs veulent décider "au plus tard au mois de juin", selon le chef-organisateur, Clemens Baumgärtner.

Des millions de visiteurs du monde entier se rendent chaque année à cette fête, qui a été organisée 186 fois dans ses 210 ans d'existence. La première annulation avait eu lieu en 1854 après une épidémie de choléra.

De son côté, le brasseur néerlandais Heineken, numéro deux mondial de la bière, a estimé mercredi que l'épidémie de coronavirus représentait un "développement macro-économique négatif majeur". "Cela a un impact significatif sur les marchés et les affaires de Heineken en 2020", a-t-il ajouté.

Le brasseur, qui possède 165 brasseries dans plus de 70 pays, anticipe une baisse du volume de sa production de bières de 2% lors du premier quart de l'année 2020, avant une "aggravation" les mois suivants.

Par Nicolas Gubert à Paris et les bureaux de l'AFP en Europe

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