Paris- Après l'afflux chaotique de plus d'un million de migrants en 2015, la chute des arrivées les années suivantes n'a mis fin ni aux tragédies en Méditerranée, ni aux querelles entre pays européens sur l'accueil des réfugiés, que Bruxelles tente d'apaiser avec un "pacte" migratoire dévoilé mercredi.

- La crise de 2015 -

Les arrivées en Europe s'accroissent progressivement à partir de 2011, au début du conflit en Syrie. Mais c'est en 2015 que la situation prend des proportions vertigineuses.En avril, jusqu'à 800 migrants partis de Libye périssent dans un naufrage. C'est la pire catastrophe en Méditerranée depuis des décennies. A la fin de l'été, les arrivées se multiplient: au total, plus d'un million sont recensées sur l'année, dont plus de 850.000 via la Grèce.

Craignant une catastrophe humanitaire, la chancelière Angela Merkel ouvre les portes de l'Allemagne, s'attirant les foudres de ses voisins qui fustigent un "appel d'air". Mais Berlin, au bord de la saturation, va rapidement réintroduire des contrôles aux frontières, suivi par d'autres, à commencer par l'Autriche et la Slovaquie.

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Un migrant tient un portrait de la chancelière allemande Angela Merkel à Munich le 5 septembre 2015. Photo: Christof Stache/AFP

Pour soulager l'Italie et la Grèce, les Européens adoptent en septembre des quotas de répartition de demandeurs d'asile, malgré l'opposition de plusieurs pays de l'Est. Ce plan temporaire, sans cesse contesté, cristallisera les divisions européennes.

Sur leur route, les migrants voient des clôtures se dresser, comme en Hongrie et en Slovénie.

- 2016, accord Turquie-UE -

En mars 2016, les frontières se ferment une à une tout au long de la route des Balkans, de la Macédoine à l'Autriche, qu'empruntaient depuis l'été les migrants cherchant à rejoindre le nord de l'Europe.

Et le 18 mars, un pacte décrié entre l'UE et la Turquie prévoit, en échange notamment d'une aide financière, le renvoi vers la Turquie de tous les migrants qui arriveront désormais en Grèce.

Résultat: les arrivées en Europe chutent très nettement (à moins de 390.000 sur l'année 2016). Mais des dizaines de milliers de migrants se retrouvent bloqués en Grèce.

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Nombre d'étrangers arrivées dans l'Union européenne, de 2015 à 2019, selon des chiffres publiés par Eurostat 

- 2017, l'Italie en première ligne -

Autre conséquence de ce verrouillage: la Libye devient la principale voie de migration et l'Italie la première porte d'entrée en Europe.

Des accords entre Rome et les autorités et milices libyennes vont changer la donne à la mi-2017. Au prix de vives controverses: l'UE, qui appuie les gardes-côtes libyens, est accusée de fermer les yeux sur la détention et les violences subies par les migrants en Libye.

En 2018, c'est au tour de l'Espagne de devenir la principale porte d'entrée en Europe.

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Matteo Salvini, ministre italien de l'Intérieur, serre la mains des carabiniers après avoir assisté à la fermeture d'un centre pour migrants à Mineo en Sicile. Photo: Andreas Solaro/AFP

- 2018-2019, crise politique -

Les Italiens portent au pouvoir fin mai une coalition de l'extrême droite et des populistes. Une de ses premières décisions est de refuser d'accueillir un bateau humanitaire chargé de 630 migrants.

L'Aquarius accoste finalement en Espagne, après une odyssée d'une semaine qui exacerbe les tensions au sein de l'UE, notamment entre Rome et Paris.

A l'issue d'un sommet européen fin juin, les pays européens envisagent la création de "plateformes de débarquement" hors de l'UE et de "centres contrôlés" en Europe, où distinguer rapidement migrants irréguliers à expulser et demandeurs d'asile à accueillir. Mais les capitales sont loin d'être d'accord sur les modalités.

Pendant un an, avec la fermeture des ports italiens incarnée par le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite), le scénario se répète: des bateaux vont errer en Méditerranée jusqu'à ce que quelques pays s'entendent pour accueillir les migrants secourus.

Las, un navire de l'ONG Sea-Watch marque les esprits en juin 2019 en accostant de force sur l'île de Lampedusa.

- Accord temporaire -

Le changement de gouvernement en Italie à la fin de l'été 2019 et la réouverture des ports italiens va permettre d'ébaucher un accord en septembre entre l'Allemagne, la France, l'Italie et Malte, soutenu par quelques pays.

Un mécanisme temporaire est censé faciliter les débarquements, en rendant automatique l'accueil des migrants secourus par plusieurs pays volontaires. Il sera de fait suspendu avec la crise sanitaire.

En 2019, moins de 129.000 migrants sont arrivés en Europe.

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Carte montrant les réponses données aux demandes d'asile par pays d'Europe en 2019 et les principaux bénéficiaires par nationalité 

- 2020, "chantage" d'Erdogan -

Fin février 2020, la Turquie annonce l'ouverture de la frontière avec la Grèce, provoquant l'afflux de dizaines de milliers de migrants. Les Européens crient au "chantage".

La fermeture des frontières liée à la crise sanitaire va cependant limiter les tentatives de passage. La pandémie du nouveau coronavirus va aussi entraîner la fermeture des ports italiens et maltais début avril, et une raréfaction des bateaux humanitaires.

Parallèlement, la crise accélère les traversées en Méditerranée centrale. Les ONG craignent une "tragédie à huis clos", tandis que l'Italie demande le soutien de l'UE.

Phénomène de moindre ampleur, les tentatives de traversées clandestines de la Manche depuis la France augmentent, suscitant des tensions entre Paris et Londres.

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Carte montrant les réponses données aux demandes d'asile par pays d'Europe en 2019 et les principaux bénéficiaires par nationalité 

- "Pacte sur la migration et l'asile" -

La Commission européenne dévoile mercredi un "nouveau Pacte sur la migration et l'asile", très attendu et plusieurs fois repoussé. Cette réforme épineuse vise à instaurer un "mécanisme de solidarité obligatoire" entre Etats européens en cas de pression migratoire, et davantage de renvois des déboutés du droit d'asile vers leur pays d'origine.

Par Pascale Juilliard et Cédric Simon

 

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