Bruxelles - Le Parlement européen a adopté vendredi une nouvelle politique agricole commune (PAC) plus "verte" pour l'UE, qu'il doit désormais négocier avec les Etats, mais que les ONG et nombre d'eurodéputés jugent très insuffisante pour répondre aux enjeux environnementaux et climatiques.

Les eurodéputés ont voté à une large majorité les trois rapports constituant la future PAC. Les ministres des 27 Etats membres s'étaient eux mis d'accord mercredi sur leur feuille de route après d'âpres pourparlers.

Désormais, sur la base de leurs propositions respectives, eurodéputés, Etats et Commission (l'exécutif européen) devront négocier et trancher d'ici début 2021 sur les règles qui s'appliqueront à partir de 2023.

Tous assurent vouloir verdir la nouvelle politique. Les eurodéputés ont ainsi voté pour conditionner les aides européennes au respect par les agriculteurs de pratiques environnementales renforcées.

Les écorégimes - des primes accordées aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants - seront obligatoires: les Etats devront y consacrer au moins 30% des paiements directs de l'UE aux exploitants.

Les ministres des Vingt-Sept préconisent de n'y allouer qu'un minimum de 20% -- mais ces niveaux restent très en-deçà des recommandations des organisations environnementales.

Alors que Bruxelles vise la neutralité carbone en 2050, l'agriculture --gros émetteur de gaz à effet de serre-- est un levier crucial: avec un budget déjà fixé d'environ 387 milliards d'euros pour sept ans, la PAC est le premier poste budgétaire de l'UE.

- "Bon compromis" -

Les eurodéputés prévoient de consacrer au moins 35% du budget du développement rural à des mesures liées à l'environnement et au climat. Soucieux de protéger les petites exploitations, ils ont également voté pour réduire progressivement les paiements directs annuels aux agriculteurs au-dessus de 60.000 euros et de les plafonner à 100.000 euros.

Enfin, les textes prévoient d'octroyer une marge de manoeuvre accrue aux gouvernements pour la distribution des fonds européens, à condition de respecter les engagements environnementaux et climatiques de l'UE.

"C'est un bon compromis qui apporte un réel changement. La PAC devra être cohérente avec les objectifs de l'accord de Paris (sur le climat) et le +Pacte vert+ européen", souligne l'eurodéputé Pascal Canfin (Renew, libéraux).

L'architecture de la nouvelle PAC a cependant été élaborée en 2018, avant les stratégies européennes du Pacte vert et "De la ferme à l'assiette" adoptées au printemps 2020: celles-ci visent notamment à réduire de 50% l'usage de pesticides d'ici 2030 tout en réservant un quart des terres aux cultures biologiques.

Pour autant, Mathieu Courgeau, agriculteur français et membre du groupement "Good Food Good Farming" (400 ONG en Europe) s'est dit "très déçu".

Après le "texte rétrograde" des ministres, celui des eurodéputés "ne garantit pas suffisamment de redistribution des aides vers les petites et moyennes fermes. Il est très déséquilibré en faveur d'une industrialisation de l'agriculture et insuffisant pour assurer sa transition écologique", explique-t-il.

- "Erreur historique" -

"C'est une catastrophe (...) On se souviendra qu'en 2020, l'Europe a renationalisé la PAC et loupé la transition environnementale", abonde l'eurodéputé socialiste Marc Tarabella. Son groupe (S&D, sociaux-démocrates) s'est divisé sur le vote.

Les Verts, fustigeant une "erreur historique" et des "écrans de fumée verte", ont rejeté le texte: alors que "80% des aides de la PAC finissent entre les mains des 20% de bénéficiaires les plus favorisés", "les mécanismes visant une distribution plus équitable ont tous été rejetés", à l'image de la "revalorisation du paiement redistributif" envers les petites exploitations, critiquent-ils.

Même opposition de la Gauche unitaire européenne, dont la délégation française (France insoumise) a dénoncé un "exercice de communication cynique" et des "logiques de rentabilité".

"L'agro-industrie doit se frotter les mains", a pour sa part déploré Suzanne Dalle de Greenpeace.

"Après avoir salué le Pacte vert, les eurodéputés ont raté l'occasion de faire de ses objectifs une réalité juridique contraignante", préférant "employer l'argent des contribuables à perpétuer un système privilégiant l'agriculture industrielle et polluante", a renchéri l'avocate Lara Fornabaio, de ClientEarth.

Face aux détracteurs, l'eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite) vante néanmoins "un texte équilibré, dont les objectifs correspondent aux réalités du terrain", une "synthèse" entre développement économique, préoccupations sociales et "durabilité environnementale".

Désormais, les opposants en appellent à la Commission européenne pour peser dans les négociations. "Elle devra agir de façon décisive. Sinon, le Pacte vert est gravement menacé", lance l'organisation WWF.

Par Julien Girault

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