Le nouveau visage du trafic de migrants entre la Libye et l'Italie


Rome - Des canots toujours plus surchargés, des vagues de départs massifs et une multiplication des navires humanitaires privés: le trafic de migrants a beaucoup évolué ces dernières années au large de la Libye.

 

Des embarcations de plus en plus fragiles

Jusqu'en 2014, les passeurs transportaient les migrants à bord de "bateaux-mères" et les faisaient descendre dans de plus petites embarcations près des eaux italiennes.

Mais avec Mare Nostrum, la vaste opération de secours lancée par Rome fin 2013, l'Italie a commencé à appréhender les passeurs dans les eaux internationales. Cantonnés aux eaux libyennes, ces derniers ont dû envoyer des embarcations qu'ils renonçaient à récupérer.[btx_image image_id="5768" link="/" position="center"][/btx_image]

De plus, l'ouverture de la route des Balkans au printemps 2015 a détourné la plupart des Syriens, qui représentaient 25% des départs de Libye en 2014 et pouvaient souvent payer plus cher.

Les trafiquants envoient désormais surtout des canots pneumatiques toujours plus dangereux. En 2015, les gardes-côtes italiens ont compté 676 canots, dont 80% avec un téléphone satellitaire pour appeler à l'aide, et une moyenne de 103 passagers. En 2016: 1.094 canots dont 45% avec un téléphone, une moyenne de 122 passagers, et des passeurs qui récupèrent parfois le moteur à la limite des eaux internationales.

De plus, les vagues de départs massifs compliquant fortement les secours se multiplient: plus de 13.000 personnes secourues en 5 jours fin mai 2016, 14.000 en quatre jours fin août dont un record de 7.000 la seule journée du 29 août, 10.800 début octobre et encore 8.500 à Pâques cette année.

 

Les secours en place

En 2014, 71% des migrants avaient été secourus par la marine et les gardes-côtes italiens et 24% par les cargos commerciaux. Mais faute de soutien européen pour une opération régulièrement qualifiée de "pont vers l'Europe", Mare Nostrum a cessé fin 2014.

Au printemps 2015, malgré la quasi absence de navires de secours, les départs ont été aussi nombreux. Deux naufrages ayant fait 1.200 morts en avril ont poussé l'UE à s'impliquer, via l'opération Triton de l'agence de contrôle des frontières Frontex et l'opération navale anti-passeurs Sophia.[btx_image image_id="5773" link="/" position="center"][/btx_image]

La succession des tragédies a aussi mobilisé des ONG, d'abord les Maltais du Moas en 2014 puis Médecins sans frontières (MSF) en 2015, jusqu'à une dizaine de bateaux aujourd'hui. Les plus gros ont secouru 26% des migrants en 2016, prenant de facto la place des cargos (passés à 8%), tandis que les plus petits assurent la distribution de gilets et les soins d'urgence le temps qu'un gros bateau arrive.

Marine et gardes-côtes italiens représentent encore 40% des secours, Sophia 13% et Frontex 7,5%, selon les gardes-côtes italiens.

Malgré ces efforts, plus de 4.500 migrants sont morts ou disparus en 2016 et un millier cette année. Beaucoup se noient, mais d'autres meurent de froid, de déshydratation, asphyxiés par les émanations de carburant ou encore étouffés dans les embarcations surchargées.

 

Un trafic juteux

Au total, près de 550.000 migrants sont arrivés en Italie entre 2013 et 2016, et 37.000 depuis le début de l'année.

Selon les estimations de Sophia, certaines zones côtières libyennes tirent 50% de leurs revenus de ce trafic: un canot avec 100 passagers peut rapporter jusqu'à 67.000 euros, un bateau en bois avec 400 personnes jusqu'à 380.000 euros.[btx_image image_id="5778" link="/" position="center"][/btx_image]

Frontex, évalue le chiffre d'affaires total des trafiquants entre 4 et 6 milliards d'euros.

 

La stratégie européenne

L'UE est en train de former et équiper des gardes-côtes libyens dans le but d'empêcher les migrants de gagner les eaux internationales. Selon l'OIM, 4.129 migrants ont ainsi été interceptés cette année. L'idée est qu'ils soient reconduits dans des camps en Libye et raccompagnés dans leur pays.

Mais le chaos libyen risque de rendre difficile le travail des gardes-côtes et les garanties de traitement digne dans les camps. De plus, les organisations de défense des droits de l'Homme soulignent que le retour au pays d'origine n'est pas la solution pour tous: 40% de ceux qui arrivent en Italie y obtiennent l'asile ou un titre de séjour humanitaire.

Par Fanny Carrier

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