Sofia - Ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait différents: des litres de soda, de crème dessert ou de sauce tomate sont passés au microscope à Sofia, Budapest ou Bratislava, où les responsables politiques s'insurgent contre une qualité inférieure des aliments de marque vendus dans l'est de l'UE.

L'affaire agite depuis des mois les anciens Etats du bloc communiste où des escouades de chimistes ont été chargés de comparer des produits alimentaires vendus dans leurs pays et à l'étranger.

Dernière en date, la Bulgarie, où l'Agence de sécurité alimentaire a annoncé mercredi que, selon les premiers résultats des tests, "les consommateurs sont induits en erreur, persuadés d'acheter les mêmes produits (qu'à l'Ouest, ndlr), alors que ce n'est pas le cas".

Cette fièvre d'analyses s'est accompagnée de déclarations tonitruantes des responsables politiques d'Europe centrale.

Le chef du gouvernement bulgare Boïko Borissov a soupçonné les grandes marques "d'un genre d'apartheid" alimentaire, le ministre tchèque de l'Agriculture Marian Jurecka se disant fatigué que l'Est soit "la poubelle de l'Europe" et le gouvernement hongrois évoquant le "plus grand scandale de l'histoire récente".

Purée pour bébé disséquée

Cet agacement fait écho au sentiment de beaucoup de consommateurs, comme Yana Mihailova, une Bulgare de 46 ans, qui explique rentrer de voyages à l'étranger avec ses bagages remplis de pots de pâte à tartiner: "C'est plus cher mais c'est totalement justifié car il y a plus de cacao dedans, le goût n'a rien à voir avec ceux de même marque qu'on trouve ici", affirme cette mère de deux enfants.

Lors d'une session de tests, fin juin, dans les laboratoires du Centre de santé publique et d'analyses, la chimiste Svetla Petrova a expliqué à l'AFP chercher à établir si "la liste des ingrédients indiqués sur l'emballage correspondait bien au contenu des aliments".

Autour d'elle, sur les paillasses du laboratoire, des copeaux de chocolat et de la purée pour bébé, distillés et filtrés dans des éprouvettes. La plupart sont également comparés avec des produits identiques achetés en Allemagne.

Or sur 31 produits testés, sept présentent des anomalies, selon Damyan Iliev, directeur de l'Agence sécurité alimentaire: crèmes dessert au chocolat contenant moins de lait et de cacao en Bulgarie qu'en Allemagne ou sodas contenant fructose et glucose plutôt que du sucre comme en Allemagne.

Mais la différence n'est pas toujours perceptible au goût, a toutefois observé M. Iliev.

Des analyses publiées ces derniers mois en Slovaquie, en République tchèque et en Hongrie ont également relevé des différences de contenus sur une série de produits de marques identiques, allant des variétés de fromages dans une sauce carbonara aux matières grasses issues de plantes plutôt que d'animaux.

Seconde classe

Rien n'interdit aux fabricants de vendre sous un nom et dans un emballage identiques des produits à la composition différente si la liste des ingrédients figure sur l'étiquette. Certaines marques mises en cause ont répliqué aux critiques qu'il s'agissait de s'adapter au goût local.

"Je ne vois pourquoi remplacer du bon chocolat par un chocolat moins cher s'adapterait mieux à mon goût !", fulmine Yana Mihailova. Le pouvoir d'achat plus faible dans les anciens pays communistes est également un argument avancé pour expliquer l'utilisation d'ingrédients meilleur marché.

Le sujet de ces doubles standards alimentaires n'est pas à prendre à la légère et "résume parfaitement la peur de l'Européen de l'Est de devenir un citoyen de seconde classe", a écrit le politologue bulgare Ivan Krastev dans une récente tribune du New York Times.

Cette crainte d'être marginalisé est accrue, analyse-t-il, dans un contexte où la volonté de renforcer l'intégration européenne affichée par certains Etats, comme la France, se heurte au discours souverainiste des dirigeants de plusieurs pays d'Europe centrale.

Ces derniers ont d'ailleurs demandé à la Commission européenne d'agir sur la question des standards alimentaires. C'est un "cheval de bataille national-populiste pour prouver l'incapacité de l'UE à garantir un traitement égal des citoyens", estime pour l'AFP Antony Galabov, professeur de sociologie politique à la Nouvelle université bulgare

Lyudmila Pavlova, une quadragénaire interrogée dans un supermarché de Sofia, se félicite de cette réaction: "Enfin les Bulgares cherchent à en finir avec ce sentiment d'être dévalorisés au point d'accepter une alimentation de mauvaise qualité".

Par Diana Simeonova

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